Être ou ne pas être, c’est là la question…
Bon ben voilà, je ne sais plus quoi penser… Il faut dire que c’est une activité récente pour moi… Se battre, se venger, tuer, c’est assez facile… Le plus dur, c’est de comprendre pourquoi on le fait.
Merde, dans nos belles steppes du Vosgaard, on ne se posait pas de question, c’était juste une question de survie, un point c’est tout! Il n’y avait que deux solutions: vivre ou mourir.
D’accord, je vous explique: je suis au Chaudron depuis deux semaines et je m’y plais assez, il faut être honnête. Bien sûr, j’ai eu un mal de chien à m’habituer à plein de trucs, en particulier au comportement des brechts… Ce peuple est vraiment faible et leurs coutumes sont tellement étranges…
Toujours est-il que je me suis mêlé à un groupe d’aventuriers. Je crois que je peux me vanter de faire partie de leurs amis et c’est réciproque.
Depuis que je traîne les souterrains avec eux, mes yeux se sont ouverts, tout doucement. Je ne jurais que par la tradition Vos, la violence, la cruauté, ma déesse Kriesha (Kriestal en Brechtür). Au fil des discussions (ouais, faut dire qu’ils aiment ça les brechts : parler, parler, toujours parler…), ils ont réussi à me convaincre que tous les peuples sont dignes d’intérêt, que c’est une grande richesse de pouvoir s’ouvrir à des Cultures différentes… J’ai donc cessé de critiquer tout et n’importe quoi, à tort et à travers ; par exemple, Till m’apprend maintenant à lire et écrire ; Pire, Eléonora m’a quasiment convaincu d’aller me laver un de ces quatre… Faut dire que j’avais pas envie de rester, aux yeux de mes amis, ce sale barbare violent, sans foi ni loi… Je voulais faire de mon mieux pour me fondre dans le groupe et ne plus faire tâche comme c’était le cas jusque là… J’avais envie qu’ils n’aient plus honte de moi.
Et puis l’autre fois, tout a basculé! Au fin fond des cavernes de cet infâme Drakthar, il a fallu qu’on tombe sur une avant-garde de mon ancienne compagnie de mercenaires. Oui, celle que j’ai quittée précipitamment, MA compagnie! Je ne sais ce que Zarn fomente par ici mais en tout cas, tous les guerriers Vos que j’accompagnais à l’époque sont proches du Chaudron et ça n’augure rien de bon…
Pour revenir à cette rencontre, nous nous sommes battus avec eux. Les mercenaires d’un côté et notre groupe de l’autre…
C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à douter. Au beau milieu du combat, me voilà en train de penser à laisser la vie sauve à un de ces mercenaires… Impensable il y a seulement quelques jours! J’ai dit à mes amis que c’était pour l’interroger mais au fond de moi, c’était plus grave… j’ai voulu l’épargner parce qu’il faisait partie des quelques Vos que je côtoyais parmi les mercenaires, par compassion, quoi… Cette prise de conscience n’a pas suffi car plus loin, Pavel, mon instructeur militaire s’est présenté et d’office, j’ai voulu éviter le combat, de peur de le tuer, trop attaché à lui… Nous avons pu, Pavel et moi, échanger quelques paroles. Je lui ai expliqué brièvement mon parcours, lui ai vanté les mérites de mes compagnons et finalement, sans y réfléchir, je lui ai dit que j’allais apprendre à lire et peut-être me laver. En fait, je crois que je voulais détendre l’atmosphère avec un trait d’humour mais, dans les yeux de Pavel, j’ai lu une profonde déception et même une offense à tout ce qu’un Vos peut respecter. Pavel, qui représentait pour moi plus qu’un instructeur, m’a dit « je ne te reconnais plus Vassili ». Cette phrase m’a fait autant d’effet qu’un coup de hache en pleine tête. C’était mon modèle…
Pavel s’est jeté sur moi et nous avons engagé ce combat que je ne désirais pas. Finalement, ses enseignements et l’expérience acquise récemment, m’ont permis de le terrasser. Autour de nous, tout le monde se battait également. Iestym gisait sur le sol, baignant dans son sang. Alors que je me devais de donner le coup de grâce à Pavel, hors de combat, j’ai préféré faire boire une potion à mon compagnon gravement blessé. A nouveau, les yeux de Pavel m’ont parlé: je n’ai pas achevé mon ennemi après l’avoir battu à la régulière: c’est le plus grave affront qu’on puisse faire à un Vos. Mon ennemi vaincu a vu la honte de sa défaite se prolonger plus que nécessaire… Scandaleux.
Bien trop tard, Pavel est mort, je l’ai achevé, finalement.
Maintenant, il me faut réfléchir. Qui suis-je devenu. Suis-je en train de refouler toute ma culture? La faiblesse des brechts déteint-elle sur moi? Que me veulent ces sentiments encore trop peu connus pour moi? J’ai eu de la pitié! Vous vous rendez compte? De la pitié! Ce n’est pas digne d’un Vos, ça!
Si je retourne un jour dans mes belles steppes, je ne veux pas être un étranger. Je veux être un Vos, un vrai. Il faut que je parvienne à garder pur ce sang Vos qui me donne tant de fierté. Tout ce que je vis ici ne doit pas m’éloigner de mes racines.
Kriesha, fais-moi partager tes colères! Que Belinik me dévore, suis-je encore un Vos ?!
(article de Grosbill)